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Gérard Poujade. Maire du Séquestre. Vice-Président ESS et circuits courts Com. Agglomération Albi

L’analyse de quelques circonscriptions qui décryptent l’électorat.

Au travers de quelques cas particuliers de circonscriptions, essayons de comprendre les ressorts de l’électorat. Le dégagisme, cela peut déjà avoir concerné la République en Marche. Et si le vrai problème était l’état de la pauvreté dans le pays ?

 

Connaissez-vous la quatrième circonscription de la Manche ? Si je vous dis le Cotentin, Cherbourg, vous voyez un peu mieux. Cette circonscription avait un député fort connu : Bernard Cazeneuve, qui ne se représentait pas. Vous ne connaissez pas Blaise Mistler et Sonia Krimi. Pourtant un regard sur cette parcelle de la France mérite un temps de réflexion. La République en marche investit son candidat officiel : Blaise Mistler. Fort mari de cette désignation dénoncée dans le presse comme une manœuvre d’appareil, le groupe local propulse une candidate en marche dissidente : Sonia Krimi.

Le premier tour se déroule comme prévu :

  • B. Mistler en tête avec près de 24 % avec 10.219 voix
  • S. Krimi 17% arrive seconde devant les formations nationales avec 7.261 voix
  • FN : 13,2%
  • PS : 13%
  • LR : 11,7 %
  • LFI : 10,6%
  • Aucun autre candidat en dessus de 5%

Et là, manifestement, il va se passer quelque chose à l’observation des résultats du second tour. Pour preuve :

  • Sonia Krimi : 15.636 voix soit 61%
  • Blaise Mistler : 10.028 voix soit 39 %

Plusieurs éléments sont intéressants. Le candidat officiel ne réunit pas une voix de plus. Pire encore il ne réunit pas ses électeurs de son premier tour, alors qu’il aurait du bénéficier de la dynamique de son arrivée en tête. Mais lorsque l’on observe la progression du nombre de voix de Mme Krimi, on peut se dire que toutes les formations politiques éliminées au premier on créé une sorte de font anti « en marche officiel ». C’est à croire que localement un vent de dégagisme a déjà concerné un membre de la République en Marche. Le comble, le vent de cette « révolte » était interne.

Un mot sur le dégagisme. Même si je l’ai employé à plusieurs reprises, je n’aime pas ce mot. Je crains fort qu’il porte une volonté profonde de dégager la démocratie. Ce mot dit trop le « tous pourris », ou « tous pareils ». Il y a un front de refus. Et ceux qui ont le plus dégagé, ce sont les électeurs qui à 57 % ne sont pas venus voter.

 

Poursuivons notre promenade législative par la première de la Somme. Là, on peut un peu mieux connaître c’est la circonscription d’Amiens, la ville de Macron. Ici aussi le résultat du second tour n’est pas forcément en corrélation avec le premier tour. Rappel des chiffres du premier tour :

  • REM : 34% avec 13.394 voix
  • LFI avec François Ruffin : 24,3% par 9.545 électeurs
  • FN : 19,94 %
  • LR : 13,4 %
  • PS : 7%
  • Les autres candidats ne dépassent pas les 2%

Dans l’absolu, la « réserve de voix » peut être imaginée dans les 2770 électeurs du parti socialiste, la « remontada » est juste impossible. Quid du second tour ?

  • LFI : 56 % avec 19.329 voix
  • REM : 44% avec 15.205 voix

Là aussi, un réflexe anti-REM a joué. Et le front du refus aura été très large. Il y a fort à parier que des électeurs de tous les candidats éliminés au premier tour auront contribué à la victoire de François RUFFIN. Il y a aussi fort à parier qu’une forte part des électeurs frontistes de premier tour n’aura pas hésité à se reporter sur le candidat Insoumis.

Il s’agit d’un contexte très différent de la Manche. Ce regroupement, n’aura pas été une règle nationale. Même si, un peu partout, le moindre résultat national provient aussi de ce refus de vouloir laisser les mains libres aux candidats investis d’en haut par « En marche ».

Le cas de F. Ruffin est emblématique d’un « contexte local ». Il est d’Amiens, mais surtout, personne ne peut lui dénier le droit d’être un défenseur des (vrais) gens du coin. Son film, son implication auprès des « petites gens » sont une preuve pour tous. Résultat aux scrutins : lors du premier tour les électeurs choisissent selon l’étiquette. François Ruffin passe l’écueil du premier tour. Et tout d’un coup. On a là la preuve d’un gars impliqué localement, face à un maire recyclé du PS à « En Marche ». Le score du PS du premier tour aurait du être un premier signal.

 

Enfin les candidats à la présidentielle. Tous les commentaires se sont focalisés sur les élections de J.L. Mélenchon et de M. Le Pen. Mais fort peu nombreux ont été les commentaires sur les réélections de Jean Lassalle et N. Dupont-Aignan. Dans ces deux derniers cas, ne serait-il pas question d’une autre forme de dégagisme. Leur score à la présidentielle témoigne de leur manque d’une ligne politique claire. Mais leur décalage les met en avant comme une variante antisystème, prouvant que l’on peut commettre à peu près n’importe quoi et être réélu. En fait seul Benoit Hamon n’aura pas capitalisé sur sa présidentielle. Candidat trop à gauche pour les socialistes historiques (ou revanchards), trop socialiste pour les électeurs locaux de la France insoumise, il lui aura manqué 90 voix pour savoir s’il pouvait battre la candidate REM dans une second tour plus ouvert qu’il n’y paraissait.

Mais est-ce vraiment le seul à ne pas avoir capitalisé après la présidentielle ? Parmi les signaux faibles qu’envoient les détails des élections, que faut-il penser de l’élimination de la belle-fille d’E. Macron au Touquet.

Arrêtons de nommer cela du dégagisme, mais cherchons à comprendre la conflagration politique en œuvre ici.

D’ailleurs est-ce uniquement en France que cette lame de fond de suspicion envers les démocraties se produit ?

Brexit, Trump, Erdogan, Orban, nationaliste polonais, la manipulation des électeurs pour pousser les plus démunis à ne pas voter pour laisser le champ libre à ceux qui vont les enfoncer plus encore dans la pauvreté et la précarité est inquiétante. Il faut souhaiter à tout gouvernement de réussir, car la vie réelle ne ressemble pas aux téléréalités des stars heureuses que les télévisions (ne pas appeler cela médias, merci) déversent dans tous les pays du monde. S’il y a un malaise, c’est celui de la pauvreté et son corollaire le plus grave celui des inégalités. Les gens ordinaires ont tous les jours la preuve sous leurs yeux de l’injustice de ce monde, de l’arrogance des puissants. Alors ils rejettent tout comme un immense complot. Le paradoxe est que notre pays, plus pauvre, plus inégalitaire s’est choisi une large majorité de représentants du peuple issus des catégories les plus aisées.

Il faut tordre le cou à cette idée que le chômage est le problème. Le problème est la pauvreté. Le raccourci qui lierait le taux de chômage à la pauvreté réelle d’une population est une fable qu’il faut sans cesse dénoncer.

Réussir, cela veut diminuer les inégalités, pas seulement réduire le taux de chômage.

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